RWANDA: Le « préservatif invisible » et autres mythes sur la circoncision
Photo: IRIN |
Les hommes envisageront-ils la circoncision comme le substitut du préservatif ? | KIGALI,
12 février 2009 (PlusNews) - Le Rwanda est en train d’adopter la
circoncision dans le cadre de sa stratégie nationale de prévention du
VIH, mais les experts s’inquiètent à l’idée que l’augmentation des
demandes, observée avant le lancement de la campagne de sensibilisation
prévue, pourrait avoir des implications négatives.
Ces
derniers temps, d’après Alphonse Ndakengerwa, chirurgien au Kingaisal hospital à Kigali, la capitale, les cliniques de la ville ont été
submergées de demandes de circoncision ; cela s’explique en grande
partie par les diverses recherches, reprises par les médias, qui font
état d’une réduction du risque de transmission du VIH chez les hommes
circoncis.
Les résultats de trois essais cliniques contrôlés randomisés, réalisés
au Kenya, en Afrique du Sud et en Ouganda ont en effet permis de
conclure que la circoncision pouvait considérablement réduire le risque
de transmission du VIH par contact sexuel chez l’homme.
Dans la culture rwandaise, la circoncision des hommes et des garçons
n’est pas pratiquée en guise de rite initiatique, comme c’est le cas
dans d’autres cultures africaines, et bien que des informations
officieuses aient circulé au sein de la population, rares sont ceux qui
comprennent bien les avantages et les risques d’une telle intervention.
« Moi, je pense que quand on se fait circoncire, c’est comme un
préservatif invisible », a déclaré Ignace Hategekimana, 27 ans, un
étudiant de Kigali circoncis récemment. « Ca réduit les risques
d’attraper des infections ».
Antoine Rwego, expert de la circoncision au Centre de traitement et de
recherche sur le sida (TRAC) du Rwanda, a expliqué à IRIN/PlusNews que
de nombreux Rwandais risquaient d’envisager la circoncision comme le
substitut du préservatif.
« Si nous ne véhiculons pas le bon message, nous risquons d’augmenter
le risque de transmission du VIH », a-t-il indiqué à IRIN/PlusNews.
Une fausse idée généralisée de la circoncision
M. Rwego s’inquiète en particulier de la croyance, partagée par bon
nombre de jeunes hommes, selon laquelle la circoncision permettrait aux
hommes d’améliorer leurs prouesses sexuelles et les immuniserait
totalement contre les infections sexuellement transmissibles, une
préoccupation justifiée par les commentaires de M. Hategekimana.
« Avant d’aller à l’hôpital, j’ai parlé à plein d’amis et ils m’ont dit
que c’était une bonne chose... sans le prépuce, on sent bien le sexe.
Quand on s’est fait circoncire, on ne peut pas se blesser en ayant des
rapports », a-t-il confié à IRIN/PlusNews.
Le docteur Stephenson Musime, chirurgien au King Faisal Hospital
partage l’avis de M. Rwego. « Certaines personnes ont l’impression que
cela augmente la virilité... un très grand nombre de gens pensent que
cela les rendra plus forts et que cela augmentera leur énergie sexuelle
», a-t-il expliqué.
« Pour les personnes circoncises, c’est une protection, dans une
certaine mesure... mais cela ne veut pas dire qu’elles sont protégées à
100 pour cent : à elle seule, la circoncision ne permet pas de prévenir
la transmission du VIH ; elle doit s’accompagner d’autres méthodes de
protection », a rappelé le docteur Musime.
Agripine Tunga, 40 ans, vient juste de donner naissance à son fils, au
King Faisal Hospital ; elle tient un tout autre discours : « Pour moi,
le lien, c’est qu’ils [les hommes circoncis] deviennent excités... Je
ne veux pas que mon fils soit tellement porté sur le sexe ».
Des recherches ont été menées sur ces théories en 2008, au Kenya et en
Ouganda. Selon les conclusions de ces deux études, les hommes circoncis
font état d’une sensibilité pénienne accrue et d’une plus grande
facilité à atteindre l’orgasme, mais selon les experts, rien ne prouve
que l’intervention améliore bel et bien la performance ou les prouesses
sexuelles.
Besoin urgent d’une stratégie de communication efficace
D’après les travailleurs de la santé, il est important que le public
comprenne comment la circoncision protège les hommes des infections
sexuellement transmissibles, et qu’il sache également que cette
intervention n’est pas une garantie de protection.
« Les gens se font circoncire pour beaucoup de raisons... médicales,
culturelles, religieuses... ils doivent aussi être conseillés », a
préconisé M. Rwego. « Nous devons concevoir le bon message à
transmettre à la population ».
Le gouvernement rwandais se lance actuellement dans une étude des
connaissances, des attitudes et des pratiques (KAP) pour déterminer le
degré de sensibilisation et d’information des populations sur la
circoncision.
« Certains peuvent croire que la circoncision offre une protection
totale, comme un préservatif invisible, alors avec l’enquête KAP, nous
saurons quoi dire aux gens et quel message faire passer », a expliqué
M. Rwego. « Après cela, nous devrons définir des directives, former du
personnel et acheter du matériel ».
Le gouvernement a commencé à déployer sa campagne de circoncision au
sein de l’armée, en 2008, avant l’adoption générale de la mesure pour
le reste de la population.
Au lancement de sa campagne nationale, le Conseil national rwandais de
contrôle du sida commencera par proposer la circoncision pour les
nouveaux-nés.
Source : IRIN
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=82897 |