MAKINGSON DELIVRANCE NESPOULOS

15 février 2008

Ce nom ne vous dit probablement rien et pourtant cet homme est tailleur de pierre dans notre capitale.

D'origine haïtienne, adopté à l'âge de 3 ans par un couple de français il a vécu dans un petit village à une heure et demie de Paris. Il était le seul enfant de couleur et c'est là qu'il a commencé à tailler des pierres provenant de carrières abandonnées. Il était entouré d'une famille aimante mais manquait de confiance en lui. Il était un enfant noir dans un pays blanc et peu importait ce qu'il faisait il était différent. Grâce à ses dons artistiques, il a transformé cette différence en atout. Il ne souhaitait plus que se fondre dans la masse. Il voulait laisser laisser sa marque dans ce monde et se distinguer. Il voulait montrer qu'il était le haïtien qui construit dans cathédrales françaises.

Il sait que la couleur de sa peau est peu commune parmi les artisans qui préservent notre héritage.

Au début certains de ses collègues ont tenté d'empêcher les fils de son histoire de se mêler à ceux du passé de la France. Ils lui disaient que les monuments n'avaient pas été construits pour lui mais pour les Français.

Il en sourit aujourd'hui parce qu'après des années de travail à se casser le dos aux côtés des autres artisans il a gagné la confiance et la plupart sont devenus comme une seconde famille.

Il a l'énergie féroce et le contrôle nécessaire pour façonner un énorme bloc de pierre en oeuvre d'art. Il a laissé une marque secrète au coeur de l'imposante Notre Dame. "Tous ces monuments sont un peu comme des rêves que des gens ont faits j'aimerais ajouter mon propre rêve, une histoire aux leurs" dit-il de sa voix douce.

Si ces témoins gothiques sont pour beaucoup des symboles nationaux inspirant la fierté, pour Maginson ce sont des rêves humains qui ont pris corps dans la pierre. Il se sent lieu à ces européens qui, il y a presque 1000 ans, ont utilisé, pratiquement le même marteau que lui pour faire un travail qu'il poursuit aujourd'hui. En regardant de près un ouvrage il sait si le tailleur de pierre était grand ou petit, si c'était un cogneur ou un perfectionniste. Il sait que leurs pensées concernent les mêmes choses.

Il affirme être un artiste libre ce qui constitue une revanche sur les mauvais traitements infligés à ses ancêtres esclaves. En remplaçant les vieilles pierres et en colmatant les fissures du passé il greffe littéralement sa propre histoire sur une histoire plus ancienne. "La vie est dure et chacun doit tailler dedans" dit-il.

Entre deux chantiers Makingson poursuit son rêve d'être un grand peintre. Il vit avec son amie dans un petit appartement à Saint Denis qui lui sert également d'atelier. Il dépose aussi souvent que possible ses oeuvres dans des galeries d'art parisiennes mais les temps sont rudes et il doit faire face à des problèmes financiers. Il espérait vivre de ses toiles mais à la mi-janvier, à court d'argent, il a rejoint le chantier de restauration près de l'Opéra.

Il a six ans ses parents biologiques l'ont retrouvé et ont été horrifié de l'état de ses mains. Ils ne voulaient pas qu'il fasse ce genre de travail c'est la raison pour laquelle ils l'ont envoyé loin de son île natale.

Source : Courrier International n° 902

J'ai de l'admiration pour ces hommes qui de leurs mains font des oeuvres d'art. J'ai de l'admiration pour cet homme qui non seulement restaure nos oeuvres d'art mais lutte pour être reconnu.